Commercialisation de la noix de cajou - La gestion opaque de la sacherie export menace la filière anacarde

Sunday 21 February 2021

L’Association des exportateurs de noix de cajou de Côte d’Ivoire (AEC-CI) vit une profonde crise liée à un problème de gouvernance que le régulateur, le Conseil du coton et de l’anacarde, minimise. Révélée par « L’Eléphant déchainé » dans sa dernière parution, cette crise liée entre autres à la gestion de la sacherie destinée au conditionnement de la production à l’export n’est pourtant pas nouvelle, ayant déjà occasionné des remous dans la filière en 2016.

En application de la loi n 2013-656 du 13 septembre 2013 et du décret n 2013-818 du 26 novembre 2013, des dispositions avaient été prises pour encadrer la gestion de la sacherie. L’objectif était d’améliorer la valeur du produit et de garantir un prix rémunérateur sur les marchés extérieur et intérieur. Ainsi, il est exigé que les noix de cajou à l’export soient conditionnées dans des emballages dont les spécifications sont définies par le Conseil du coton et de l’anacarde (CCA), l’organe de régulation de la filière.

Mais à la pratique, la gestion de la sacherie à l’export est l’affaire de l’Association des exportateurs de Côte d’Ivoire (AEC-CI), suivant une convention qui la lie au conseil, et qui stipule que la gestion de la sacherie est centralisée au sein du bureau de l’AEC-CI avec un représentant du CCA, pour une gestion conjointe. Mais dans la pratique l’AEC-CI règne en maître.

Le business des échantillons

Hélas, la gestion des ressources issues de la vente des échantillons prélevés et analysés par le cabinet  ACE pose problème. Il ressort des investigations de l’Eléphant déchainé que cette ressource additionnelle, fruit de la vente des échantillons qui représentent de grandes quantités, n’a pas toujours servi à assurer les charges de fonctionnement de l’association et n’est retracée nulle part. Pis, les membres de l’association n’ont jamais eu une idée du montant généré encore moins eu un bilan de sa gestion jugée opaque car faite en dehors de toute règle.

En dépit des plaintes de certains exportateurs depuis 2018, il faudra attendre 2020 pour que le scandale éclate au grand jour, suite à un bras de fer né entre le président de l’AEC-CI, Diaby Aboubacar et le secrétaire exécutif Méité Inza. Accusé d’avoir procédé unilatéralement à l’enlèvement des échantillons et d’avoir distrait les gains estimés à 9,95 millions Fcfa, le secrétaire exécutif est traduit devant la police économique. Puis Diaby Aboubacar se résout à adresser une demande d’explication à son collaborateur.  

Les initiatives de transparence vouées à l’échec

Seulement, la réponse du mis en cause, le président de l’AEC-CI aurait voulu s’en passer tant elle l’accable. « Monsieur le président, le bilan de l’utilisation des fonds générés par l’opération de récupération des résidus d’analyse au titre de l’exercice 2020 rentre parfaitement dans ce cadre. Aussi pour cadrer avec la gestion transparente de l’opération, je vous ai fourni en bonne et due forme un rapport détaillé clair et précis de l’organisation, de l’exécution et de l’utilisation des fonds générés par l’opération au titre dudit exercice », rétorque le secrétaire exécutif Méité Inza.

Mais il ne s’arrêtera pas là, dénonçant les manquements ayant cours dans la gestion administrative et financière de l’AEC-CI. Pas de règlement intérieur, pas de manuel de procédure ni de gestion administrative, financière et comptable, pas de budget annuel, pas de comptabilité, pas de bilan annuel depuis 2016...

En clair, c’est une gestion bananière qui prévaut dans une association qui reçoit des ressources dégagées par des contribuables, notamment les exportateurs membres qui déboursent chacun un million par an au titre des cotisations. Aussi les exportateurs sont-ils prélevés à hauteur de 10 Fcfa par kg pour financer le paiement de la sacherie. Quoi de plus donc pour que cette structure s’impose une bonne gouvernance ? Ce qui n’est pas le cas.

Face à cette situation, les initiatives du SE en vue d’assurer une transparence dans la gestion ont toujours buté sur le président Diaby Aboubacar, inflexible. « Dans l’optique de faire la lumière sur l’opération d’enlèvement des échantillons 2020 et l’utilisation des fonds, je propose la mise sur pied d’un comité ad hoc qui sera chargé d’auditer l’opération depuis sa mise sur pied afin de mieux informer les exportateurs », s’adressait le SE aux exportateurs dans un courrier. Mais rien ne sera entrepris car l’initiative a été tuée dans l’œuf.

Le régulateur doit sortir de son silence

Tout puissant, Diaby Aboubacar qui est en même temps le président du groupement d’intérêt économique des exportateurs de produits agricoles (GIE-GEPPA) mis sur pied en 2019 n’est pas du genre à se laisser contrarier impunément. Ils composent avec un groupuscule qui fait la loi dans le secteur. « Si tu t’opposes à eux, tu risques de ne pas avoir de marchés pour la prochaine campagne et même de perdre ton agrément », soutient un exportateur qui a requis l’anonymat, de peur de représailles. Ils sont nombreux d’ailleurs qui se plaignent de ne pas avoir à disposition la quantité de sacs nécessaires pour leurs exportations. Ce qui les oblige à traiter avec d’autres sociétés en vue de combler des besoins allant parfois jusqu’à 200 mille sacs.

En outre, les exportateurs dénoncent la gestion opaque des fonds Covid-19 mis à disposition par le gouvernement, en soutien aux filières agricoles face à la pandémie. Interpellé sur toutes ces questions, le président de l’AEC-CI a refusé de s’exprimer, au motif que les associations professionnelles AECI et GIE GEPPA sont des structures privées. Au demeurant, s’est-il contenté de renvoyer la balle au directeur général du conseil du coton anacarde pour ce qui concerne la sacherie.

Joint à son tour, le directeur général du Conseil du coton et de l’anacarde, Dr Adama Coulibaly, au cours d’un entretien tenu le 5 février 2021, à ses bureaux sis à l’immeuble de la Caistab, n’évoquera pas non plus avec « L’Eléphant » les questions de gouvernance. Mais il rassurera que le CCA a un représentant à l’AEC-CI pour faire le suivi et les contrôles nécessaires. « A toutes les étapes, nous sommes présents », soutient Dr Adama Coulibaly, qui précise que le GIE-GEPPA ne reçoit pas de subventions de l’Etat.

Seulement, en tant que régulateur, le conseil ne devrait-il pas s’inquiéter de la mauvaise gestion de structures (AEC-CI et GIE-GEPPA) impliquées dans la gestion de la filière qui brasse des milliards de Fcfa ? Que dire des accusations faisant état de la prise en otage de la filière par une mafia ? A la vérité, le régulateur ne peut fermer les yeux sur ces graves accusations, sous aucun prétexte. Même si, selon le directeur général du conseil, tout est mis en œuvre pour mettre en place l’interprofession que les producteurs et autres acteurs de la filière appellent de tous leurs vœux. Pour ce faire, il appelle les acteurs de la filière à se mettre ensemble pour créer des coopératives représentatives.

Emmanuel Akani 


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Soumaré Issouf

Professeur titulaire et Directeur du Laboratoire d’ingénierie financière de l’Université Laval (LABIFUL) au Canada

Prof. Issouf SOUMARÉ est Professeur titulaire et Directeur du Laboratoire d’ingénierie financière de l’Université Laval (LABIFUL) au Canada. Il est également le Président-Fondateur de l’INSTITUT SOUMARÉ DE LA FINANCE et de l’UNIVERSITÉ SOUMARÃâ... Lire la suite Voir plus


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